Le démarchage téléphonique, ce fléau moderne, a longtemps prospéré dans un vide juridique savamment entretenu. Les dispositifs comme Bloctel, censés être les boucliers des abonnés, n’ont été que des mirages. Malgré l’inscription sur cette liste, des millions de Français continuaient à subir une avalanche d’appels indésirables. « Nos concitoyennes et concitoyens n’en peuvent plus de ce harcèlement », s’est insurgée Delphine Batho, députée écologiste des Deux-Sèvres, qui mène la charge avec cette proposition de loi.
Cette initiative ne sort pas de nulle part. Depuis plus d’un an, les auditions parlementaires se sont enchaînées. Le Sénat avait déjà donné son aval en avril 2025. L’Assemblée vient de suivre. Le dernier obstacle, le vote de confirmation du 21 mai 2025, semble n’être qu’une formalité.
Un coup de frein aux appels intempestifs
Le texte repose sur un principe limpide : plus de démarchage sans consentement explicite. En d’autres termes, pour qu’une entreprise puisse vous appeler, il faudra :
– soit que vous ayez donné un accord formel, clair et éclairé ;
– soit que vous soyez déjà client, et que l’appel concerne un produit ou service lié à un contrat en cours.
Adieu les numéros masqués et les appels à l’heure du dîner pour une pompe à chaleur ou une complémentaire santé. L’objectif est net : inverser la charge de la preuve et bannir les sollicitations sauvages, notamment dans la rénovation énergétique, les assurances ou la téléphonie.
Mais la mise en œuvre traîne. La loi ne prendra effet que le 11 août 2026, soit quinze mois après son adoption. Un délai que regrette Delphine Batho : « Je regrette le report de l’entrée en vigueur de l’interdiction. L’impatience est énorme, tant nos concitoyens n’en peuvent plus de ce harcèlement ».
Des failles dans l’armure législative
Si le texte semble robuste, son efficacité dépendra de son application. Deux failles pourraient bien en réduire la portée :
– **L’exception contractuelle** : une entreprise pourra toujours contacter un consommateur si un contrat les lie. Cette brèche pourrait être exploitée pour étendre artificiellement les prestations « liées ».
– **Le consentement préalable** : en théorie, il doit être « libre, spécifique, éclairé, univoque et révocable ». Mais en pratique, de nombreux sites et applications piègent encore l’internaute avec des cases pré-cochées ou des CGU floues.
Il faudra donc une vigilance accrue de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) et des associations de défense des consommateurs pour empêcher un retour en douce du démarchage par des voies détournées.