L’épargne réglementée, autrefois un refuge sûr, est aujourd’hui un véritable casse-tête. François Jolivet, député Horizons, n’y va pas par quatre chemins : « L’épargne réglementée est utile, mais nous pensons qu’il faut la réformer dans un sens de plus de clarté, d’efficacité et d’efficience en termes de rendement ». Un constat sans appel, lancé lors de son audition à la Commission des finances de l’Assemblée nationale le 14 mai 2025.
Dans cette jungle de livrets, du Livret A au livret d’épargne d’entreprise, l’épargnant est perdu. Les banques, censées être des guides, semblent plus préoccupées par leurs propres intérêts. Jean-Philippe Tanguy, député Rassemblement national, dénonce un « problème de contrat moral entre les épargnants français […] et la puissance publique ».
Quand les banques ferment les yeux… et les poches
Les députés accusent les banques de ne pas jouer leur rôle. François Jolivet est catégorique : « Les banques jouent un rôle de conseil pas complètement performant, puisqu’elles ne dirigent pas l’épargne des Français les plus modestes vers les meilleurs placements réglementaires ». Le LEP, pourtant plus rémunérateur avec ses 5% contre 3% pour le Livret A, reste boudé par 40% des épargnants éligibles. Manque de conseil ou stratégie délibérée ? Le doute persiste.
La Fédération bancaire française se défend : « Les banques veillent à ce que les placements qu’elles recommandent ne le soient que dans l’intérêt du client […], c’est le droit ». Mais cette défense ne dissipe ni l’opacité des produits, ni les pertes subies par les épargnants.
Un gouffre de 300 milliards d’euros
Entre 2020 et 2023, l’inflation a fait perdre jusqu’à 300 milliards d’euros de pouvoir d’achat aux Français. Les taux d’intérêt ne protègent plus les dépôts. Jean-Philippe Tanguy l’explique : « Quand vous ouvrez un Livret A, l’érosion monétaire est certaine […] la formule de calcul de l’intérêt ne protège plus de l’inflation ». Les classes populaires, croyant leur épargne à l’abri, sont les premières victimes. « Protégée en nominal, elle ne l’est pas face à l’érosion monétaire », ajoute-t-il. Un système qui exploite la naïveté des épargnants pour maintenir l’illusion de la sécurité.
Vers une réforme systémique de l’épargne réglementée
Le rapport parlementaire ne se contente pas de dresser un tableau sombre. Il propose des réformes audacieuses : simplifier la formule de calcul des taux d’intérêt pour mieux protéger contre l’inflation, réduire les commissions bancaires pour augmenter la part reversée à l’épargnant, et mieux promouvoir des placements comme le LEP.
Il est aussi question de diversifier les fonds collectés, en les orientant vers les PME, l’économie sociale et solidaire, ou la Banque publique d’investissement. Ces réformes visent à diriger les ressources vers des secteurs stratégiques comme le logement social, tout en préservant l’attractivité de produits sans risque et non fiscalisés.
La France peut encore se vanter d’une épargne réglementée unique : « des produits liquides, garantis, non fiscalisés et avec un rendement positif déterminé par les autorités publiques », rappelle la Fédération bancaire française. Mais cette structure vertueuse est menacée si l’information reste floue, les taux figés et les banques désengagées.
Réformer l’épargne réglementée, ce n’est pas trahir un héritage : c’est le sauver. À condition que les nouvelles mesures soient appliquées et que les intérêts des épargnants, surtout les plus modestes, ne soient plus sacrifiés sur l’autel de la rentabilité bancaire ou de l’inertie bureaucratique. Car ce qui est en jeu, c’est moins le taux d’un livret que la confiance des Français envers leur État et leur système bancaire.