La menace d’exode des géants de la pharma : Bruxelles sous pression

Publié le
Lecture : 3 min
La menace d'exode des géants de la pharma : Bruxelles sous pression
La menace d'exode des géants de la pharma : Bruxelles sous pression | Infomatin.fr

Le 8 avril 2025, un séisme secoue l’Europe : une lettre signée par 32 dirigeants de laboratoires pharmaceutiques atterrit sur le bureau d’Ursula von der Leyen. Quelques jours plus tôt, l’EFPIA avait déjà tiré la sonnette d’alarme. Donald Trump promet des taxes sur les médicaments européens, et l’industrie riposte. Elle menace de plier bagage.

Ce n’est pas un simple coup de bluff. Le 5 avril 2025, un sondage interne de l’EFPIA révèle l’ampleur du désastre potentiel : jusqu’à 85% des investissements industriels prévus entre 2025 et 2029 pourraient être annulés. Plus de 100 milliards d’euros en jeu, dont 16,5 milliards dès les trois prochains mois, prêts à s’envoler vers les États-Unis.

Dans une lettre manuscrite du 5 avril 2025, obtenue par _Les Échos_, les patrons de Pfizer, AstraZeneca, Sanofi et d’autres frappent fort : « Des actions fortes doivent être prises rapidement », avertissent-ils. Le message est clair : « La poursuite de tensions commerciales accélérera encore l’érosion des investissements en R&D et en production en Europe ».

Ursula von der Leyen réagit immédiatement, convoquant le secteur à Bruxelles. En coulisses, la tension monte. Les entreprises parlent de retirer jusqu’à 113 milliards de dollars d’investissements de l’Union pour les relocaliser aux États-Unis.

Europe : un géant aux pieds d’argile

Le constat est sans appel : en 2004, l’Europe pesait 29,6% du marché pharmaceutique mondial. Vingt ans plus tard, elle n’en représente plus que 22,7%, tandis que l’Amérique du Nord s’envole à 53,3%. Une lente hémorragie. Les laboratoires sont catégoriques : « Le marché américain est libre, rapide, rentable. L’Europe est lente, fragmentée, bureaucratique ».

L’EFPIA dénonce la complexité des réglementations, la lourdeur administrative des essais cliniques multi-pays et les retards dans l’accès aux traitements. En 2022, le délai médian de mise sur le marché en France était de 461 jours. En Espagne ? 613 jours. Seuls le Danemark et l’Allemagne respectent la directive transparence : 180 jours maximum.

Un étau économique qui se resserre

Sur le plan économique, l’industrie grince des dents. Aux États-Unis, les prix sont libres. En Europe, les laboratoires subissent des ponctions croissantes. Le courrier aux institutions européennes est explicite : « Dans plus des deux tiers des États membres, les contributions de l’industrie sont passées ces dernières années de 15% à 22% des dépenses publiques pharmaceutiques ». En clair, la pharma finance la hausse des dépenses de santé sans retour sur investissement.

Autre point de friction : l’écocontribution. Une directive impose à la pharma de financer la gestion des micropolluants médicamenteux dans les eaux usées. Inacceptable pour les industriels, qui dénoncent un ciblage sectoriel injustifié.

La lettre des patrons est virulente, car le contexte l’exige. Donald Trump a annoncé début avril 2025 de futurs droits de douane sur les médicaments européens. L’Europe exporte pour 90 milliards d’euros de produits pharmaceutiques vers les États-Unis. La menace est palpable. Les PDG préviennent : il sera bientôt plus rentable, plus sûr, plus rapide de produire aux États-Unis.

La pharma réclame sa part du gâteau

Dans leur lettre, les PDG énoncent leurs exigences comme autant d’ultimatums :

– Rémunérer l’innovation à sa juste valeur, avec des prix qui ne soient plus sous pression permanente.

– Protéger la propriété intellectuelle : ils exigent douze années de protection au total, contre dix actuellement.

– Harmoniser les législations environnementales, chimiques et sanitaires.

– Simplifier les processus de mise sur le marché avec un cadre européen unique.

Le ton est grave, mais le message reste diplomatique : « Nous espérons travailler ensemble dans les semaines à venir pour assurer une transformation de ces propositions en réalité ».

Le compte à rebours est lancé. Bruxelles a trois mois pour sauver 16,5 milliards d’euros d’investissements

Laisser un commentaire

Share to...