Google, ce titan du web, ne doit pas sa suprématie uniquement à son moteur de recherche. Son emprise s’étend bien au-delà, grâce à un arsenal d’outils publicitaires qui dictent les règles du jeu sur Internet. Mais ce système, aussi puissant qu’opaque, est aujourd’hui dans le collimateur de la justice.
Un empire bâti sur des pratiques douteuses
La juge Leonie Brinkema ne mâche pas ses mots. Selon elle, Google a passé plus de quinze ans à bâtir un empire publicitaire en écrasant la concurrence. Les outils de vente d’espaces publicitaires et les systèmes d’enchères sont au cœur de cette domination. Dans un verdict cinglant, elle déclare : « Ce comportement d’exclusion a non seulement privé les concurrents de toute possibilité réelle de rivaliser, mais a aussi causé un préjudice substantiel aux clients éditeurs de Google, au processus concurrentiel et, in fine, aux consommateurs d’information sur le web ouvert ».
Les dessous d’une stratégie implacable
Comment Google a-t-il pu en arriver là ? Par une stratégie redoutable mêlant rachats ciblés, contrats verrouillés et intégrations forcées. Le ministère de la Justice américain, épaulé par plusieurs États, accuse Google de pratiques de « tying », forçant l’utilisation conjointe de ses outils pour éliminer la concurrence. Les juges pointent du doigt une manipulation des règles des enchères publicitaires, toujours en faveur de Google.
Abigail Slater, assistante du procureur général, est catégorique : « La domination illégale de Google lui permet de censurer et même de déraciner les voix américaines. […] L’avis rendu aujourd’hui confirme la mainmise de Google sur la publicité en ligne et, de plus en plus, sur l’Internet lui-même ».
Face à ces accusations, Google ne plie pas. Lee-Anne Mulholland, vice-présidente des affaires réglementaires, affirme : « Nous avons gagné la moitié de cette affaire et nous ferons appel pour l’autre moitié. Les éditeurs ont de nombreuses options, et ils choisissent Google parce que nos outils technologiques sont simples, abordables et efficaces ».
Un géant sous pression
Ce revers judiciaire n’est pas un cas isolé. Il s’ajoute à deux condamnations antérieures pour monopole aux États-Unis : l’une en août 2024 pour le moteur de recherche, l’autre en décembre 2023 concernant le Play Store. À chaque fois, c’est la stratégie d’intégration totale de Google qui est remise en cause.
Le procès de septembre 2024, qui s’est étalé sur 15 jours, a révélé comment Google a utilisé sa taille et ses acquisitions pour étouffer ses rivaux. Et l’affaire est loin d’être close : une audience cruciale est prévue pour avril 2025 à Washington, où le DOJ réclame rien de moins que le démantèlement du navigateur Chrome.