Un colis par seconde, ou presque. Voilà le rythme effréné auquel les petites marchandises bon marché, souvent en provenance directe de Chine, arrivent en France. En 2024, pas moins de 800 millions de colis d’une valeur inférieure à 150 euros ont été livrés sur le territoire national. Ces envois échappent à toute taxation douanière, provoquant ce que le gouvernement français qualifie désormais de « déséquilibre majeur ». La réponse ? Un plan d’action offensif, dévoilé par Bercy le 29 avril 2025, dont la pièce maîtresse consiste à instaurer dès 2026 des frais de gestion sur chaque colis entrant provenant de pays en dehors de l’Union européenne.
Frais de gestion : la nouvelle arme de Bercy
Le gouvernement français a dévoilé une mesure qui ne manque pas d’ambition ni de piquant : imposer aux plateformes telles que Shein, Temu ou AliExpress des frais fixes pour chaque colis expédié vers l’Europe. Pas de demi-mesure. Ces frais de gestion, évalués à « quelques euros » par colis, seront à la charge des importateurs et des sites de vente en ligne. Objectif affiché : financer les contrôles douaniers, plus que jamais sollicités. « Il s’agit de faire payer aux importateurs, aux plateformes, et non pas aux consommateurs, un petit montant forfaitaire sur les colis », a déclaré Amélie de Montchalin, ministre des Comptes publics.
Vers la fin de la franchise douanière ?
Et ce n’est qu’un début. Cette taxe temporaire s’étalera jusqu’en 2028, date à laquelle la France souhaite obtenir, au niveau européen, la suppression totale de la franchise douanière pour les envois d’une valeur inférieure à 150 euros. D’ici là, les colis étrangers devront financer les douanes qu’ils saturent.
Les données donnent le vertige. Selon le ministère de l’Économie, 4,6 milliards de colis de moins de 150 euros sont entrés dans l’Union européenne en 2024. Parmi eux, 91% provenaient de Chine. La France, en première ligne, se sent seule à jouer les douaniers du continent. Le plan annoncé prévoit de multiplier par trois les « prélèvements ciblés » d’ici à 2026, ainsi que réformer sa doctrine de contrôle et instaurer une meilleure coordination avec les États membres. L’idée : passer au crible sécurité, étiquetage et pratiques commerciales. Et frapper fort là où ça fait mal. « Sur 680 prélèvements de jouets en 2023, 130 étaient jugés dangereux. Cela a conduit à la destruction de 225.000 jouets », déplore la Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes (DGCCRF).
Une tendance mondiale à suivre
La France n’est pas une pionnière isolée. Aux États-Unis, des frais de dédouanement sont facturés par l’USPS pour chaque colis imposable, tandis que les transporteurs privés comme FedEx ou UPS ajoutent des « frais de gestion », parfois salés. Au Royaume-Uni, Royal Mail facture environ 8 livres sterling pour chaque envoi soumis à des taxes. Le Canada applique également des frais de traitement, distincts des droits de douane, et l’Australie, tout en exemptant les colis de moins de 1.000 dollars australiens (563 euros) de TVA, autorise les transporteurs à facturer des frais administratifs. En Allemagne, les services postaux prélèvent aussi des montants pour le traitement des colis soumis à TVA. En clair, la France rattrape une tendance mondiale, là où elle était jusqu’à présent curieusement silencieuse.
Temu, Shein, AliExpress : la riposte française s’organise
Le ton est donné. Paris veut mettre fin à ce qu’Éric Lombard, le ministre de l’Économie, qualifiait au micro de France Info de « tsunami de colis venus d’Asie ». À défaut d’une réforme immédiate du régime douanier européen, la taxation provisoire des plateformes marque un changement stratégique de paradigme. Reste à savoir si l’Europe suivra. Car le succès de cette taxe dépendra de sa coordination à l’échelle continentale. Une taxe isolée risquerait de créer un effet de contournement logistique au détriment des douanes françaises. Mais en attendant 2028, chaque petit colis devra bientôt payer son droit