Le 5 mai 2025, une proposition de loi secoue le monde du travail en France. La mensualisation du salaire, pilier depuis les années 1970, vacille sous la pression d’une population en quête de stabilité financière. Le député Jean Laussucq veut révolutionner le calendrier de paiement des salariés. Un projet audacieux qui pourrait bien changer la donne.
Mensualisation : un acquis remis en question
Imposée par décret sous Georges Pompidou, la mensualisation visait à homogénéiser les statuts des travailleurs. Fini les ouvriers payés à la journée ou à la semaine, place à une stabilité nouvelle. Mais aujourd’hui, cet acquis est sur la sellette. Une étude OpinionWay pour Stairwage révèle que 63 % des salariés souhaitent des paiements plus fréquents. Chez les moins de 35 ans, ce chiffre grimpe à 75 %. Un changement générationnel s’opère.
Un contexte économique tendu
Avec un Français sur quatre à découvert dès le 16 du mois, la proposition de Laussucq résonne particulièrement. Il propose des acomptes multiples, voire une rémunération hebdomadaire, sans justificatif. Un modèle inspiré des pratiques américaines et britanniques. « Le processus actuel pour obtenir un acompte est généralement complexe, long et lourd… De quoi dissuader les employés d’en faire la demande ! », souligne un article de Femme Actuelle. Laussucq veut permettre des paiements les 7, 14, 21 et 30 du mois, sans supprimer la mensualisation.
Employeurs et banques : entre scepticisme et adaptation
Les employeurs, eux, sont plus réservés. Bernard Cohen-Hadad, président de la CPME Paris Île-de-France, se dit favorable au dialogue, mais pointe les coûts cachés : « Ce n’est pas une mauvaise idée si c’est une attente des collaborateurs, mais cela suppose des difficultés de gestion, l’acquisition de logiciels, des contrôles supplémentaires. » Il appelle aussi les banques à plus de flexibilité : « Il faut que les banquiers offrent un peu plus d’autorisations de découverts à nos collaborateurs ou à nos petits entrepreneurs. »
Le modèle étranger : une source d’inspiration ?
La France est-elle une exception ? Au Royaume-Uni, les versements hebdomadaires sont courants dans certains secteurs. Aux États-Unis, des entreprises offrent un accès quasi-immédiat au salaire via des applications. Ces modèles apportent une souplesse budgétaire, mais aussi des risques : fragmentation des revenus, difficulté à épargner, exposition accrue aux imprévus. Un changement de paradigme nécessite une solide pédagogie financière.
Vers un changement de paradigme en France ?
En France, deux dispositifs encadrent déjà les versements anticipés : l’acompte, accessible à partir du 15 du mois, et l’avance sur salaire, assimilable à un prêt. Le projet de loi veut multiplier les possibilités d’acompte, en simplifiant les démarches. Une petite révolution dans le Code du travail, sans toucher à son fondement historique.
Si l’Assemblée nationale donne son feu vert, la France pourrait devenir le premier pays de l’Union européenne à offrir une liberté de fréquence de versement salarial encadrée par la loi. Mais cette transition demande un changement global : investissement technologique pour les employeurs, responsabilité financière pour les salariés, assouplissement bancaire pour les tiers. Un défi de taille, mais aussi une opportunité unique.