Depuis la réforme de 2010, le taux d’emploi des seniors a progressé. Mais ne nous emballons pas. La Cour des comptes tire la sonnette d’alarme : la France traîne un boulet. Une dépense publique qui frôle les 14% du PIB, contre 11,5% en moyenne dans la zone euro. Et un taux d’emploi des 60-64 ans qui reste désespérément bas.
« Une hausse de l’âge de départ à la retraite aurait un impact positif sur le taux d’emploi moyen sans nuire à la productivité »
Le rapport est sans appel. Les experts prônent le retour au réalisme budgétaire. Augmenter les cotisations sociales ? Une idée jugée destructrice. Un point de plus pour les employeurs, et c’est 57.000 emplois qui s’évaporent. Indexer les pensions sous l’inflation ? Une économie de 2,9 milliards d’euros, mais seulement 5.600 emplois sauvés.
Inégalités criantes : le système en accusation
Le cœur du problème ? Les inégalités flagrantes. Ouvriers et cadres, deux mondes à part. À 65 ans, l’espérance de vie diverge : deux ans d’écart pour les femmes, trois pour les hommes. Les ouvriers, bien qu’ils partent plus tôt, profitent de deux années de retraite en moins. Les dispositifs de carrières longues ? Un filet de sécurité qui profite surtout aux pensions moyennes. Seuls 13% des bénéficiaires sont parmi les plus modestes. Et les femmes ? Double peine. Emploi partiel après 60 ans, souvent coincées entre emploi et retraite, contraintes familiales et précarité en toile de fond.
Repousser l’âge de départ : une solution, mais pas la seule
Quelle issue propose la Cour des comptes ? Reculer l’âge effectif de départ, tout en soutenant les seniors pour éviter le chômage déguisé. Pierre Moscovici, premier président de la Cour, est catégorique : « Le statu quo en matière de financement du système de retraites est impossible ».
Le rapport plaide pour une indexation des pensions sur les salaires, pas l’inflation, pour une équité intergénérationnelle. Et pourquoi pas une « clause de revoyure », comme dans les régimes complémentaires, pour ajuster automatiquement selon les évolutions démographiques et économiques.
Déficit incontrôlé, partenaires sociaux désunis
François Bayrou, Premier ministre, tente de sauver son « conclave social ». Mais les chiffres sont implacables. Un déficit de 6,6 milliards d’euros en 2025, qui pourrait grimper à 30 milliards en 2045 sans réformes. Les partenaires sociaux sont divisés. La CGT, FO et l’U2P quittent la table des négociations. Le Medef refuse toute hausse de cotisation. Les marges de manœuvre politiques sont aussi étroites que les options économiques sont pressantes.
Le miroir européen : un modèle à double tranchant
L’Allemagne, l’Italie et l’Espagne ont adopté des ajustements automatiques. L’Italie, par exemple, ajuste ses pensions selon les salaires, intégrant un facteur de soutenabilité. En France, chaque réforme est un coup de massue, faute de mécanismes progressifs. La démographie s’effondre, la croissance est incertaine, et l’effort collectif devient une nécessité budgétaire.
La Cour des comptes ne se contente plus de tirer la sonnette d’alarme : elle énumère les options et chiffre leurs conséquences. Reculer l’âge de départ, réformer l’indexation, moduler les cotisations : autant de pistes qui, combinées, pourraient éviter une explosion financière tout en rétablissant une équité aujourd’hui introuvable. Mais encore faut-il un gouvernement capable d’assumer l’impopularité, des partenaires sociaux prêts à dialoguer, et un électorat conscient que, cette fois, reporter l’effort, c’est condamner le système.
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